Passage en Eure d’hiver

Au cœur de l’Eure, le manoir de Surville est le point de départ idéal pour découvrir les richesses normandes. Abbayes, châteaux, villages classés et jardins classieux, heureux qui comme l’Eurois fera un beau voyage.

Aujourd’hui, c’est l’heure de l’Eure. On quitte l’autoroute et ses lignes droites pour louvoyer jusqu’à Louviers. On saute La Haye-Le Comte et nous voilà déjà à Surville. Il suffit alors de remonter la rue Bernard Pétel pour s’arrêter aux portes du manoir. Une allée remonte jusqu’à la superbe demeure en colombage, propriété familiale des hôteliers qui nous accueillent. Camille et Hugues Oeyen ont transformé cet ancien corps de ferme du XVIème siècle pour en faire un lieu douillet et convivial. Onze chambres sont disséminées dans les bâtiments attenants où les vieilles pierres et le bois cohabitent avec une décoration moderne et délicate.

Confortablement installés devant la cheminée crépitante du grand salon, l’heure est à la détente. Il n’y a bien que le spa pour nous extirper des canapés survillais surpiqués. Deux cabines nous attendent. Après un sweet spa et un sweet sauna, direction la suite douillette ! Côté table d’hôtes, c’est Magalie qui vous fait découvrir une cuisine de saison qui prend l’allure, suivant son humeur d’une joue de porc confite au gingembre ou d’un veau mijoté aux herbes et ses légumes oubliés. Au terme d’une bonne nuit de sommeil, alors que l’on sonne les matines, on se dit que le Bec-Hellouin, si proche, mérite bien une visite. Ce village parmi les plus beaux de France, niché au cœur de la vallée du Bec, laisse bouche bée. Les maisons à colombages y entourent l’abbaye Notre-Dame du Bec.

Fondée en 1034 par Herluin, l’abbaye ne fut plus que ruine après la Révolution. Classée au XIXème siècle, l’abbaye ne retrouve ses moines qu’en 1948. Parvenus au pied de l’ancien clocher, on songe que du haut de cette tour Saint-Nicolas, dix siècles nous contemplent. Des fondations de la grande église abbatiale du XIVème siècle aux bâtiments conventuels du XVIIIème siècle en passant par la salle capitulaire et le cloître du XVIIème siècle, c’est toute l’architecture sacrée comme profane qui s’expose sous nos yeux.

Après l’abbaye millénaire, on enchaîne avec un château séculaire. Notre voyage au long cours nous amène à Harcourt. Après avoir croisé de long en large avec Richard Cœur de Lion, Robert II d’Harcourt s’installe là au XIIème siècle. Il ne se contente pas de donner son nom au lieu, il y construit le château que l’on peut admirer encore, en partie, aujourd’hui. Une dernière promenade au cœur de l’arboretum, l’un des plus anciens de France, et on regarde déjà ailleurs.

En moins d’une heure, on peut prendre le chemin des Andelys et de son château Gaillard. Et pour finir la boucle dans l’Eure, direction Le Neubourg et surtout le Château du Champ de Bataille qui s’y dresse fièrement. Si on ne sait toujours pas exactement à quoi se réfère ce nom audacieux, la vie de ce château s’y est souvent conformé. C’est Alexandre de Crequi qui le construit au XVIIème siècle. Frondeur, l’homme espère faire revivre les fastes de la cour chez lui. Mais n’est pas roi qui veut. Assigné à résidence, oublié, il meurt ruiné.

Récupéré par la famille d’Harcourt, le château est vite rattrapé par l’Histoire et la Révolution. Pillé, abandonné, il est finalement racheté par des propriétaires successifs au XIXème et XXème. Camp de prisonniers en 1944, prison pour femmes, le château ne commence à renaître que dans les années 1970 avant de retrouver un faste qu’il n’avait jamais connu grâce à Jacques Garcia. Depuis 1992, le décorateur passionné par le 17^ème et 18^ème siècle prend soin de ce château à l’histoire mouvementée en y rassemblant des collections de meubles et d’objets exceptionnels, témoins de la grande histoire de France.

Sébastien Dieulle