Albert Kahn en son jardin
Ce n’est pas juste un jardin mais une poésie verte. Pas juste un but de promenade mais le monde dans un jardin. Ainsi l’a voulu le banquier et mécène Albert Kahn, grand voyageur et grand partageur de la beauté du monde. Il voulait souligner, par la beauté, la complémentarité des différences. Ce sont des jardins à la fois lumineux et mystérieux. L’éloge de l’ombre en somme selon le livre éponyme de Tanizaki qui définit assez ce que le promeneur ressent ici : « je crois que la beauté n’est pas une substance en soi, mais rien qu’un dessin d’ombres, qu’un jeu de clair-obscur produit par la juxtaposition de substances diverses » (Junichirô Tanizaki in Eloge de l’ombre).
Une fois les grilles franchies, c’est Paris qui devient imaginaire. Sur quatre hectares dans l’Ouest parisien et facilement accessible, il faut y venir pour perdre ses repères et se laisser imprégner par cette bulle d’universelle beauté. Au détour des sentiers on partage un moment silencieux avec des canards col vert qui nettoient consciencieusement leurs plumes sur du gazon anglais bordé de fleurs et d’arbustes. D’énormes poissons rouges évoluent paresseusement dans une rivière transparente. La vaste prairie arborée exprime une nature d’un sauvage savamment entretenu. Quelques pas plus loin, une superposition d’arbres de multiples espèces, parfois rares, étalent leurs feuillages protecteurs sur une étendue d’eau et sa cascade. Entre ombre et lumière, ils laissent entrevoir la fragile architecture d’une maison de thé japonaise. Un pittoresque pont en bois rouge-orangé permet d’enjamber le cours d’eau pour grimper sur une petite colline et s’asseoir sur un banc en pierre. De là on peut admirer à loisir le jardin japonais.
Deux pies jacassent sur le petit chemin en grosses pierres et vous incitent à découvrir, plus bas, une nature qui nous est plus familière. Quelques marches en pierre le long d’une rambarde en bois et vous voilà dans le verger et ses arbres fruitiers, tout proche du jardin à la française dont les allées taillées au cordeau défient les jeux de soleil et d’ombre mêlés.
De cet univers sophistiqué et lumineux, prenez le chemin qui vous mène à la partie forestière aussi mystérieuse et accueillante que la forêt vosgienne qui a vu naître Albert Kahn. Rochers couverts de mousse et de lierre, sapins et épicéas font de ces allées un refuge. Pas seulement pour les humains, pour les oiseaux aussi. Ils vous font un joyeux concert rendant plus difficile encore la nécessité prochaine d’un retour à la ville pourtant si proche derrière les grilles de sortie.
Il ne saura jamais, monsieur Albert Kahn, à quel point son cadeau poétique, voire spirituel traverse avec bonheur les générations.
Evelyne Dreyfus / photos : Jean-Paul Calvet
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Pour visiter :
Musée départemental Albert Kahn
14, rue du Port 92100 Boulogne-Billancourt
Tél : 01 55 19 28 00
parcsjardins@hauts-de-seine.fr
Jardin ouvert du mardi au dimanche : de 11h à 18h d’octobre à mardi et de 11h à 19h d’avril à septembre
L’accès au jardin se fait sans réservation en semaine et sur réservation le week-end.
L’achat du billet s’effectue sur place.
Tarif plein : 4 euros / Tarif réduit : 3 euros
Moyen d’accès :
Métro : Boulogne Pont de Saint-Cloud (terminus ligne 10 )
Tramway : ligne T2 – arrêt Parc de Saint-Cloud
Bus : 52, 72, 126, 160, 175, 467 – arrêt : Rhin et Danube
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